QUE DIT LA LOI EN MATIÈRE DE HARCÈLEMENT MORAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
En droit de la fonction publique, c’est l’article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi "Le Pors", qui fixe les principes s'attachant au harcèlement moral dans la fonction publique :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :
1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;
2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;
3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés.
Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ».
Ainsi, pour qu’il y ait harcèlement moral, il doit y avoir des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail de l’agent, se concrétisant par une atteinte à ses droits et à sa dignité, par une altération de sa santé physique ou mentale, ou encore par une atteinte au bon déroulement de sa carrière.
Concrètement, cela peut se traduire de façons très variées, selon des modalités qui sont plus ou moins difficiles à identifier.
Logiquement, des agissements ouvertement violents constituent l’aspect le plus flagrant mais le harcèlement moral peut se manifester de façon bien plus insidieuse : remarques récurrentes « cassantes » ou constitutives de dénigrement, isolement, critiques, mesures vexatoires, mise au placard, diminution des attributions voire privation de tout travail effectif, changements d’affectation, ou de missions injustifiés, brimades, etc.
Il est à noter que le harcèlement moral peut être vertical, c'est à dire provenir de la hiérarchie, mais aussi horizontal, c'est à dire provenir des collègues.
La circonstance que les agissements de harcèlement moral visés par les dispositions de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 émanent d’un agent placé sous l’autorité du fonctionnaire en cause est sans incidence sur les garanties qu’elles assurent à celui-ci (CE, 28 juin 2019, n° 415863).
Il revêt donc des formes extrêmement variées et recouvre des réalités éminemment diverses.
C’est pourquoi, en dehors des cas les plus criants, il n’est pas toujours aisé à identifier.
Il n’en demeure pas moins que dès lors que des agissements qui semblent « anormaux » se répètent, et qu’ils ont pour conséquence une dégradation des conditions de travail, la question doit être posée.
LA PREUVE EN MATIÈRE DE HARCÈLEMENT MORAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
L’une des principales difficultés en matière de harcèlement moral dans la fonction publique réside dans la preuve ce celui-ci. Hormis les cas de comportements manifestement et ostensiblement déplacés, les actions engagées sur le terrain du harcèlement moral se heurtent à la problématique de l’établissement des faits.
Même pour les cas les plus « aigus », l’agent victime de harcèlement moral peut avoir du mal à obtenir les preuves nécessaires à le démontrer.
Illustration de la délicate appréciation du juge sur la qualification juridique des faits caractérisant le harcèlement moral.
Pour ne pas faire peser sur la victime la charge d’une preuve difficile à rapporter, le Conseil d'Etat a précisé « qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile » (CE, 11 juillet 2011, N°321225).
Le juge apprécie donc au cas par cas les éléments de preuve apportés par les parties et se prononcera donc en se fondant sur la méthode du « faisceau d’indices » très usitée par le juge administratif.
Il n’appartient pas au fonctionnaire victime de harcèlement moral d’apporter la preuve du harcèlement, mais simplement l’existence de faits qui permettent d’en présumer l’existence.
Il s’agit donc d’un régime de preuve allégé et « facilité » pour l’agent.
En prévoyant qu’il appartient à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, le juge administratif laisse toutefois la possibilité à l’administration de fournir ses propres explications pour démontrer que les éléments de fait invoqués sont étrangers à une logique de harcèlement.
La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile.
Concrètement, il appartient à l’agent qui s’estime être victime de harcèlement moral de réunir tous les éléments possibles de nature à caractériser l’existence d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation de travail.
Illustration : la cour administrative d'appel de Paris rappelle ainsi : « au vu d'une part des éléments de fait avancés par Mme D... et susceptibles selon elle de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral et d'autre part de l'argumentation de l'administration et de l'ensemble des pièces du dossier, le tribunal, qui n'a pas fait peser indument sur Mme D... une charge de la preuve qui ne lui incombait pas, et qui a bien pris en compte l'ensemble des faits qui lui étaient soumis, a pu sans méconnaitre les règles de preuve applicables en matière de harcèlement moral, écarter l'existence d'un tel harcèlement, et par suite rejeter les demandes indemnitaires de Mme D.... » (CAA de PARIS, 22 octobre 2019, n° 18PA03623).
Illustration où la cour administrative d'appel adopte une appréciation contraire à celle du tribunal sur les éléments soumis à l'appréciation du juge (CAA de NANCY, 17 octobre 2019, n° 18NC00168).
Cela peut consister en des échanges de mails, des témoignages, des décisions ou actes faisant apparaître les modalités de ce harcèlement.
Autre exemple : pour caractériser les agissements constitutifs de harcèlement moral, le juge administratif se livre à une appréciation concrète de la situation de l’agent, en tenant compte également du contexte dans lequel les agissements en cause se sont déroulés.
Ainsi, l’agent faisait valoir que sa notation s'est fortement dégradée entre l'année 2010 et l'année 2012, qu'un déménagement de son bureau lui a été imposé sans qu'il en ait été averti préalablement à la fin de l'année 2013, qu'il a fait l’objet d’une mutation dans l'intérêt du service au 1er janvier 2014 sur un poste où ses attributions ont été fortement diminuées et où l'accès à certains codes informatiques lui a été refusé, que l'appel à candidature portant sur l'emploi qu'il occupait précédemment a été publié comme " vacant " alors qu'il y était toujours en fonctions, qu'il a été écarté de tout séminaire en lien avec ses fonctions de cadre à compter de l'année 2013, qu'il a été victime de reproches injustifiés et que son administration s'est opposée à l'évolution de sa carrière en émettant des avis défavorables à son passage au grade supérieur etc.
Ces faits sont effectivement caractéristiques d’agissements constitutifs de harcèlement moral : caractère répété, dégradation des conditions de travail etc.
Pour autant, la cour administrative d’appel a relevé qu’en l’espèce les mesures pointées par l’agent étaient intervenues dans un contexte de relations conflictuelles de l’intéressée avec ses collaborateurs depuis plusieurs années. La cour souligne à ce titre les « relations professionnelles très dégradées » de l’intéressé, des pratiques de gestion du personnel maladroites, situation d'insubordination etc. autrement dit autant d’éléments qui démontrent, pour le juge, que les agissements dénoncés n’étaient pas tant dirigés contre l’intéressé que pour mettre fin aux tensions très fortes existant entre différents protagonistes, dont l’agent qui a saisi la juridiction.
La cour administrative d’appel en conclut que « les faits relevés par M. C... ne peuvent être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral et ne sont ainsi pas de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat à son égard ».
CAA Bordeaux, 22 décembre 2020, n° 18BX04149
La tâche n'est pas toujours évidente, et l'appréciation demeure très subjective.
Le difficile contrôle du juge administratif sur la qualification d'agissements constitutifs de harcèlement moral : alors que la cour administrative d'appel avait considéré les éléments invoqués par l'agent comme ne révélant pas d'agissements constitutifs de harcèlement moral, le Conseil d'Etat censure en estimant que les éléments invoqués par la commune employeur pour justifier les mesures négatives prises à l'encontre de son agent, n'étaient pas avérés, laissant donc entendre que, faute de justification probante de la part de la commune employeur, le harcèlement moral devait être regardé comme caractérisé.
CE, 29 juillet 2020, n° 431 087
Il arrive aussi qu'on voit le juge administratif s'efforcer de départager les agissements qui relèvent d'une gestion critiquable de la part de la hiérarchie, on pourrait parler de négligence, d'erreurs etc, et ceux qui caractérisent bien les agissements constitutifs de harcèlement moral.
Dans le cas retenu, en dépit d'une accumulation de mesures négatives à l'égard de l'agent, le harcèlement n'est pas retenu.
Ainsi, une accusation infondée de manquement n'ayant pas eu d'incidence mais ayant tout de même donné lieu à une menace de poursuites disciplinaires, le fait de ne pas donner suite à une demande d'enquête administrative sollicitée par l'agent à la suite d'un différend avec des collègues, une notation jugée illégale, un refus de formation, son véhicule dégradé etc. ne relèvent pas de l'exercice anormal de l'exercice de l'autorité hiérarchique et ne caractérisent pas de harcèlement moral selon la cour administrative d'appel de Marseille.
L'accumulation de ces mesures négatives auraient aisément pensé que le harcèlement serait retenu, mais il ne l'a pas été...
CAA Marseille, 3 novembre 2020, 18MA03607
Il faut donc apporter la démonstration de la teneur, mais aussi, du caractère répété des faits puisqu’il s’agit des critères définis par la loi pour le caractériser.
COMMENT AGIR CONTRE LE HARCÈLEMENT MORAL
Du point de vue de l’agent, fonctionnaire ou agent public, une fois le harcèlement moral « identifié », plusieurs voies d’action peuvent être envisagées, sachant que, compte tenu de la grande variété des situations, des stratégies doivent être mises en place au cas par cas selon les circonstances individuelles.
Schématiquement on peut toutefois évoquer trois principales directions :
1°) L’intervention, en interne, auprès de la hiérarchie pour obtenir qu’il soit mis fin aux agissements de harcèlement moral. Il s’agit là d’une démarche amiable destinée à faire régler les difficultés par l’intervention de la hiérarchie supérieure.
Une telle demande peut être présentée sous la forme d’une « demande de protection fonctionnelle », laquelle donne lieu, implicitement ou explicitement, à la naissance d’une décision qui est susceptible de recours en annulation.
Par un arrêt du 12 mars 2010, le Conseil d’État a reconnu la possibilité pour l’agent de solliciter la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral. (CE 12 mars 2010, n° 308974). Il s’agit, concrètement, de la part du fonctionnaire, de demander à son administration employeur de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux agissements constitutifs de harcèlement moral. En cas de refus, cette voie ouvre la possibilité de saisir le juge.
Voir également dans ce sens, un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 décembre 2019, précisant que l'autorité appelée à se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle doit être impartiale : harcèlement moral, protection fonctionnelle, impartialité de l'autorité qui se prononce.
2°) Le recours pour excès de pouvoir, c’est-à-dire le recours en annulation, dirigé contre une décision qui est caractéristique du harcèlement moral ; l’objet étant de solliciter l’annulation de cette décision mais en faisant valoir qu’elle révèle un harcèlement moral.
Il se peut en effet que le harcèlement moral se concrétise par des mesures (avancement, mobilité etc) qui peuvent très bien être annulées sur le fondement de l’atteinte au droit développé en matière de harcèlement moral.
3°) Le recours de plein contentieux, c'est à dire destiné à solliciter des dommages et intérêts. Il vise à obtenir la réparation des préjudices qui résultent directement, pour l’agent, des agissements constitutifs de harcèlement moral.
Le Conseil d'Etat a précisé, concernant ce volet, que la réparation à laquelle l’agent peut prétendre ne se limite pas au seul préjudice moral, mais qu’elle doit également recouvrir, le cas échéant, les pertes de nature matérielle que l’agent peut avoir subies du fait d’agissements constitutifs de harcèlement moral (CE, 22 février 2012, n° 343410). Il s’agissait, en l’espèce, de tenir compte de la perte résultant de l’absence d’avancement et de la stagnation de rémunération qui en a découlé.
Illustration : si l’agent signale les faits dont il est victime à sa hiérarchie, celle-ci ne doit pas les ignorer. Le juge administratif s’interdit de « dire à l’administration ce qu’elle doit faire » mais il peut, comme dans ce cas d’espèce, considérer l’absence de mesures adéquates de la part de la hiérarchie, comme constitutive d’une faute engageant la responsabilité de la puissance publique.
Ainsi, en matière de harcèlement moral dans la fonction publique, en cas d’inertie de la hiérarchie, d’inaction ou d’intervention trop frileuse, l’administration engage sa responsabilité.
Dans un cas où le harcèlement a semble-t-il été d’une forte intensité, continu sur la durée et où il a de surcroît donné lieu à des plaintes sur le terrain pénal, indemnité de 15.000 euros allouée à l’agent (qui a tout de même fait une tentative de suicide)
CAA NANCY, 24 octobre 2019, n° 18NC01107
On peut également cité le cas d'un agent du ministère des Affaires étrangères affectés sur un poste en réalité occupé par un "proche" de l'ambassadeur
Le Conseil d'Etat a d'ailleurs précisé :
1) La circonstance que les agissements visés par les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 émanent d'un agent placé sous l'autorité du fonctionnaire en cause est sans incidence sur les garanties qu'elles assurent à celui-ci.
2) Lorsqu'un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci. Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d'un autre ou d'autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l'administration, détermine la contribution de cet agent ou de ces agents à la charge de la réparation.
cf. article lié
4°) Le référé-liberté, le Conseil d'Etat ayant consacré le droit à ne pas être soumis à un harcèlement moral comme constituant pour un fonctionnaire une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CE, 19 juin 2014, n° 381061).
On peut également mentionner ici que lorsque l'état de santé de l'agent s'est dégradé au point d'entraîner son placement en congé pour motif médical (congé longue durée ou longue maladie), il peut aussi être envisagé de faire reconnaître le caractère imputable au service de la pathologie qui en résulte.
Le juge administratif a par ailleurs déjà eu l'occasion de préciser, concernant le signalement des agissements constitutifs de harcèlement moral, que le mode de signalement ne doit pas non plus excéder les limites tenant au devoir de réserve : harcèlement moral et devoir de réserve
SOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES RELATIVES AU HARCÈLEMENT MORAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
1°)Mutation de l'agent victime de harcèlement moral
En principe, un agent public qui a subi ou qui a refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne devrait pas se voir imposer un changement d'affectation.
En effet, l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique prohibe l'édiction de mesures, relatives notamment à l'affectation, à l'encontre d'un agent public qui a refusé d'être victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral.
Pourtant, le Conseil d'Etat a considéré que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'administration employeur prenne à l'égard de son agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements de harcèlement moral, n'est de nature à permettre de parvenir au même but.
Il appartient alors au juge administratif de s'assurer que l'administration ait bien justifié n'avoir pu prendre, pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent, aucune autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.
Dans ces conditions, il est donc admis que pour mettre fin au harcèlement moral, l'administration peut muter d'office son agent : "Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but" (CE, 19 décembre 2019, n° 419062).
2°) Responsabilité de l'administration
L’administration est responsable envers ses agents victimes de harcèlement moral, sous réserve d’engager une action récursoire contre les agents fautifs.
La circonstance que les agissements visés par les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 émanent d'un agent placé sous l'autorité du fonctionnaire en cause est sans incidence sur les garanties qu'elles assurent à celui-ci.
Lorsqu'un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci. Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d'un autre ou d'autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l'administration, détermine la contribution de cet agent ou de ces agents à la charge de la réparation.
CE, 28 juin 2019, n° 415863, publié au Recueil Lebon
Autre illustration : pour caractériser les agissements de harcèlement moral, la cour administrative d’appel a retenu en l'espèce :
1°) Une dégradation des conditions de travail à la suite de l'arrivée d'un nouveau commandant de compagnie, l’intéressée ayant pu faire valoir des attestations établissant que ce nouveau commandant l’avait dénigrée en faisant état, en présence de tous les membres de la brigade, qu'elle avait été " virée " de sa précédente affectation ; le même commandant ayant exprimé, encore une fois publiquement, « en avoir marre des cas sociaux ». La cour a qualifié ces propos de « méprisants et de nature à discréditer Mme D... aux yeux de ses autres collègues ».
2°) Le fait que l’intéressée a ensuite été désignée pour effectuer un déplacement d’une durée qui n'était pas compatible avec l'inaptitude au travail de nuit que le médecin militaire avait mentionnée dans son certificat de visite.
3°) Que lors de la notification de la notation le commandant de compagnie lui a indiqué que le commandant de brigade ne souhaitait plus sa présence au sein de cette brigade et lui a lu la note relative aux mutations d'office, la cour relevant que « le dépôt de cette notation sur son bureau sans mise sous pli, à la vue de l'ensemble des collègues, constitue une mesure vexatoire ».
4°) La cour administrative d’appel a également retenu que l’exposante avait été conduite à assurer des services nocturnes davantage que ses collègues, avec pour preuve des tableaux de permanence ainsi que divers courriels, l’administration n’apportant de son côté aucun élément chiffré de nature à justifier la répartition équitable de ces suggestions pour cette période.
5°) Mais aussi que des doutes émis, sans fondement sur le bien-fondé de ses congés pour maladie, qui ont été de nature à jeter le discrédit sur son investissement professionnel.
6°) Que le commandant de brigade l'a insultée devant des tiers et a cherché à l'intimider en assenant un coup de poing dans le mur le 2 octobre 2013, sans que ces agissements ne soient sanctionnés.
7°) Que l’intéressée s’est vu attribuer un bureau qui a été dédié à l'imprimante et au fax et qu'elle a dû déménager dans un autre bureau, excentré.
La cour administrative d’appel a dès lors reconnu que l’intéressée avait été victime de harcèlement moral et elle lui a par conséquent accordé une indemnité de 12.000 euros à titre de réparation.
Intéressante décision sur la méthode suivie par le juge administratif pour déterminer l’existence du harcèlement moral : caractérisation de la répitition des faits, le contrôle sur leur lien avec l'exercice normal de l'autorité hiérarchique etc.
Par contre, on le voit, même dans un cas caractérisé, le juge administratif n'est pas très généreux en termes de dommes et intérêts accordés.
CAA Nantes, 16 janvier 2021, n° 19NT01406
3°) Preuve et caractérisation du harcèlement moral
Le Conseil d'Etat retient, pour retenir qu'un agent a été victime de harcèlement moral dans la fonction publique, le fait que son supérieur a fait preuve "d’un comportement vindicatif et humiliant à l’égard de l’intéressée, se traduisant par de fréquents propos dévalorisants ainsi que des critiques répétées sur la qualité de son travail, alors pourtant qu’il n’exerçait pas de manière adéquate ses fonctions d’encadrement, soit en s’abstenant de lui donner des consignes pour l’exécution du service, soit en alternant sans justification les ordres et les contre-ordres". Que ces agissements se sont répétés ultérieurement à l'occasion d'un changement d'affectation de l'agent, lequel s'est à nouveau trouvé à devoir travailler avec la même personne, sans ne plus avoir de lien hiérarchique cette fois-ci.
Pour retenir le harcèlement moral, le Conseil d'Etat s'est fondé sur des témoignages circonstanciés fournis par l'agent victime, ainsi que sur les "constatations opérées à l’occasion d’une enquête administrative interne diligentée par la commune", la commune n'ayant pour sa part aucunement démontré que les comportements en question auraient été justifiés par des "considérations étrangères à tout harcèlement moral".
CE, 12 octobre 2016, n° 384687
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