Prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le référé suspension constitue une procédure spécifique dite d’urgence, qui permet de suspendre les effets d’une décision dans l’attente que le juge se prononce sur la légalité de celle-ci.
Il s’agit donc d’une procédure parallèle à la procédure principale qui a pour objet d’obtenir l’annulation, par le tribunal administratif, de la décision dont le requérant conteste la légalité. Cette procédure parallèle a pour objet de conférer, en substance, un effet suspensif au recours principal, en suspendant les effets de la mesure.
Il s’agit, par exemple, de mettre en suspens le retrait d’un agrément d’assistante maternelle (illustration ici), dans l’attente que le tribunal ait statué sur la légalité de la décision de retrait ; de mettre en suspens l’exécution d’un permis de construire jusqu’à ce que le juge administratif ne statue sur sa légalité (illustration ici) ; de mettre en suspens l'exécution de la sanction disciplinaire prononcée en matière de fonction publique (illustration ici) etc.
L’absence de caractère suspensif du recours en annulation formé contre un acte administratif et la faculté dont dispose l’administration d’assurer l’exécution de ses décisions (privilège du préalable) avait traditionnellement pour conséquence qu’une décision, même illégale, se trouvait pleinement mise en œuvre jusqu'à ce que le tribunal statue.
La procédure du référé suspension permet en quelque sorte de « renverser » le bénéfice du temps de la procédure au profit du requérant, lequel voit la décision ne pas être exécutée tant que le tribunal n’a pas validé la légalité de la mesure.
Il s’agit donc d’un moyen d’action très intéressant dans le contentieux administratif puisqu’il permet de contrecarrer le principe du caractère non suspensif du recours principal.
Cela implique que le "recours en référé suspension" ne puisse être exercé que s'il est l'accessoire d'une requête dite principale, c'est à dire visant à l'annulation de la décision dont il est par ailleurs demandé la suspension. L'existence d'une requête principale est une condition de recevabilité du référé suspension (CE, 29 avril 2002, n° 236633, publié aux tables du recueil, p. 869).
Concrètement, cela signifie que la mise en oeuvre du référé suspension implique la présentation de deux requêtes distinctes : l'une, principale, constituée d'une action ordinaire, ou de droit commun, tendant à l'annulation de la décision contestée, l'autre, introduite simultanément ou postérieurement, en référé, visant la suspension des effets de cette même décision.
A noter, les deux requêtes doivent bien être distinctes (cf. R. 522-1 al. 2 du code de justice administrative), et il appartient au juge des référés de rejeter la requête présentée en référé, même d’office, lorsqu’il apparaît que la requête principale est entachée d’une irrecevabilité insusceptible d’être couverte en cours d’instance (CE, 1er mars 2004, n° 258505, publié aux tables du recueil, p. 818).
Il est à noter également que dans le cas où un recours administratif, hiérarchique ou gracieux, doit être obligatoirement formé avant de saisir le tribunal, le Conseil d'Etat a admis qu'un référé peut être engagé avant même que l'autorité administrative n'ait statué sur ce recours, la condition imposée au requérant étant alors de bien justifier qu'il a exercé ce recours administratif préalable obligatoire (CE, 12 octobre 2001, n° 237376, publié au recueil, p. 463).
Cela étant, le référé suspension a été conçu et délimité, par le Conseil d'Etat, comme une procédure d’urgence et donc d’exception, de sorte que sa mise en œuvre répond à des conditions globalement restrictives.
Deux conditions sont nécessaires pour que la suspension des effets d’une décision soit prononcée : l’existence d’une situation d’urgence et l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Quelques rappels quant à la recevabilité de la requête à fin de suspension s'imposent cependant avant d'examiner ces deux conditions.
1°) LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE À FIN DE SUSPENSION
Comme il l'a été rappelé précédemment, la requête en référé suspension n'est recevable que si elle est l'accessoire d'un recours principal enclenché selon la procédure ordinaire.
La demande à fin de suspension doit être présentée par une requête distincte ayant pour objet la mise en oeuvre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
Elle n'est recevable qu'à la condition que la requête dite "principale" soit elle-même recevable. A noter, lL'irrecevabilité d'une demande non accompagnée d'un recours principal en annulation est susceptible d'être couverte jusqu'à la décision du juge sous réserve de respecter le principe du contradictoire (CE, 30 juin 2004, no 264295).
La décision litigieuse ne doit pas être entièrement exécutée, non seulement à la date de saisine du juge des référés, mais également à la date à laquelle il statue. Ainsi, la délibération autorisant le maire à signer et la décision du maire de signer doivent être considérées entièrement exécutées à la date de signature d'une convention d'occupation du domaine public (CE, 30 juin 2004, no 263257).
2°) LA CONDITION D’URGENCE EN MATIÈRE DE RÉFÉRÉ SUSPENSION
Dans sa décision fondatrice « Confédération nationale des radios libres », le Conseil d'Etat a précisé que « la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre », ajoutant par ailleurs « qu’il appartient au juge des référés […] d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation du requérant […] sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue » (CE, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres, n° 228 815, rec. p. 29).
Ainsi, la condition d’urgence doit être regardée comme satisfaite lorsque l’atteinte portée aux intérêts du requérant et / ou à un intérêt public présente un certain degré de gravité et que sa concrétisation est imminente. Le juge doit donc rechercher si la décision en question préjudicie de manière grave et immédiate à la situation du requérant.
Dans ce cadre, le Conseil d'Etat exige que le requérant ne se borne pas à invoquer de façon générale les inconvénients ou les risques qui s’attachent à une situation-type mais qu’il fournisse une justification caractérisant l’urgence, et notamment qu’il apporte des éléments concrets d’appréciation tenant à la situation donnée (CE, 23 mars 2001, Société LIDL, n° 231 559, rec. p. 154).
Etant par ailleurs précisé que « l’urgence s’appréciant objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce », c’est à une appréciation au cas par cas que le juge administratif doit se livrer (CE, 28 février 2001, Préfet des Alpes-Maritimes, n° 229 562, 229 563, rec. p. 108).
Le Conseil d'Etat considère également que le requérant qui a lui-même contribué à la constitution de la situation d’urgence ou qui a été négligeant en tardant à agir ne saurait s’en prévaloir pour justifier de l’intervention, en référé, du juge administratif (CE, 28 février 2001, n° 229941 ; CE, 23 janvier 2008, n° 307939).
Concrètement, la situation d’urgence est aisément reconnue lorsque la décision a pour effet de faire perdre au requérant sa source de rémunération, même si le juge administratif des référés recherche malgré tout si la situation du requérant est gravement affectée, en examinant, par exemple, l’ensemble des ressources du foyer dans le cas où le requérant ne vit pas seul.
Le juge administratif admet parfaitement, dans le même sens, que les préjudices d’ordre économique sont de nature à justifier l’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, et plus particulièrement que la perte de la totalité ou d’une part substantielle des revenus ou de frais exposés en vue de la réalisation d’une opération neutralisée par l’intervention de la décision administrative contestée, est constitutive d’une situation d’urgence (CE, 26 avril 2001, n° 231870 ; CE, 28 février 2001, n° 230112, CE, 23 avril 2003, n° 249712).
Il en va de même si la décision en question a pour effet de faire baisser de manière substantielle le chiffre d’affaire d’une entreprise, au point cependant de mettre en péril l'existence même de la société concernée (CE, 19 octobre 2001, n° 238204).
Le Conseil d'Etat a déjà jugé, également, que « les effets anticoncurrentiels d'une décision administrative sont susceptibles de créer une situation d'urgence, au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative […], dans la mesure où de tels effets sont caractérisés et susceptibles d'affecter durablement la structure concurrentielle dudit marché ; qu'il en va ainsi tout particulièrement dans le cas où, comme en l' espèce, ce marché reste dominé par un opérateur historique » (CE, 19 janvier 2004, n° 263012).
Ainsi, l’urgence peut se déduire de la circonstance que la mesure en question a pour effet d'exclure une société d’un marché donné, « en créant au profit des autres entreprises du secteur un avantage concurrentiel qu'il serait long, difficile ou coûteux de réduire ou d'éliminer » (CE, 17 mars 2004, n° 264910).
Le préjudice peut également être d'ordre moral, mais au regard de ce qui a été précédemment précisé, un tel préjudice ne sera que très rarement retenu au titre de l'urgence pour la mise en oeuvre du référé suspension.
On peut toutefois relever la reconnaissance de l'urgence dans le cas singulier de la décision d'un Président d’Université refusant à un maître de conférences le bénéfice de la protection juridique prévue par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 (CE, 14 décembre 2007, n° 307950, publié au tables du recueil p. 873, 912 et 1005).
De même a t il été jugé que la condition d'urgence pouvait être reconnue en tant que reposant sur le préjudice moral découlant de la décision d’abattre deux éléphants au sein d'un parc zoologique, étant précisé toutefois que le préjudice économique n’était en réalité pas étranger à la reconnaissance de la situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative (CE, 27 février 2013, n° 364751).
L'appréciation de la condition d'urgence se faisant au cas par cas, aucune situation n'est a priori exclue de son champ d'application, dès lors que la décision en question préjudicie de façon grave et immédiate à la situation du requérant.
Les illustrations de la reconnaissance de la condition d'urgence sont ainsi multiples.
Ainsi, en matière de refus d’agrément d'assistante maternelle, il a été jugé que dès lors que l’interdiction faite à une assistante maternelle d’exercer son activité a pour effet de priver son foyer d’une part importante de ses ressources, une telle décision doit être regardée comme préjudiciant de manière grave et immédiate aux intérêts de l’intéressée (CE, 9 novembre 2005, Département du Nord, n° 279601 : « Considérant que l'interdiction faite à Mme X d'exercer son activité d'assistante maternelle et son licenciement, qui privent son foyer d'une part importante de ses ressources préjudicient de manière grave et immédiate aux intérêts de l'intéressée »).
Le Conseil d'Etat a déjà considéré également que les graves perturbations susceptibles d’être causées à un nombre non négligeable d’individus sont de nature à caractériser la condition d’urgence telle que posée par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CE, 30 octobre 2001, n° 238654, 2238656, 238680 : « Les actes contestés prévoyant leur application à compter de la rentrée scolaire 2001 et la scolarité d'un nombre non négligeable d'élèves risquant d'être gravement perturbée par la mise en œuvre de méthodes d'enseignement susceptibles d'être ensuite abandonnées, l'urgence justifie la suspension des actes contestés organisant dans des établissements publics d'enseignement un enseignement du breton selon la méthode de "l'immersion" »).
En principe, c’est au demandeur qu’il appartient d’apporter la preuve qu’il existe une situation d’urgence justifiant l’intervention, en la forme du référé, du juge administratif.
Cependant, l’urgence peut être présumée dans un certain nombre d’hypothèses dont on peut dire, en substance, qu’elles concernent des décisions qui sont, par leur nature ou leur objet, propres à créer des situations difficilement réversibles.
Ainsi, en urbanisme, la présomption d’urgence est admise lorsque la demande de suspension est dirigée contre un permis de construire, compte tenu des conséquences difficilement réversibles qui s’attachent à la réalisation effective d’une construction (CE, 27 juillet 2001, n° 230231, publié aux tables du recueil p. 1115). Etant précisé qu’il en va bien entendu différemment lorsque la construction litigieuse est achevée ou en voie de l’être (CE, 26 mai 2004, n° 260462).
La présomption d’urgence est également admise en ce qui concerne les décisions de préemption, du moins lorsque le recours est formé par l’acquéreur évincé (CE, 13 novembre 2002, n° 248851, publié au recueil p. 396).
Dans le contentieux du droit des étrangers, le Conseil d'Etat a également admis que l’urgence doit en principe être admise dans les hypothèses de non-renouvellement ou de retrait de titre de séjour (CE, 14 mars 2001, n° 229773, publié au recueil p. 124).
Lorsque le recours porte sur une mesure d’expulsion d’un étranger du territoire national, l’urgence est là aussi présumée (CE, 26 septembre 2001, n° 231204, publié au recueil p. 428).
Précision importante : les cas de présomption d’urgence ne sont pas irréfragables, ce qui signifie que ce sont des présomptions simples pouvant être contredites par la partie adverse à laquelle il appartient alors de démontrer que la situation du cas d’espèce ne répond pas au cas de présomption (CE, 7 mai 2002, n° 245659, publié aux tables du recueil p. 870).
L’urgence s’appréciant « in concreto », il peut aussi y avoir une forme de mise en balance des intérêts en présence, avec, pour le juge des référés, la charge de déterminer si un intérêt public peut être de nature à justifier que la décision soit mise en œuvre alors même qu’elle préjudice gravement et immédiatement aux intérêts du requérant.
Dans ce sens, le Conseil d'Etat a déjà jugé que la méconnaissance de l’injonction de surseoir à la signature du marché portait une atteinte grave et immédiate à l'intérêt public lié au respect d’une décision de justice et à l’effectivité du référé précontractuel, qui justifiait la suspension de l’exécution du marché litigieux (CE, 6 mars 2009, n° 324064, publié au recueil p. 97).
De même, il a considéré qu’eu égard à l’intérêt qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile, l’urgence justifiait la suspension de la décision du maire s’opposant à une déclaration de travaux en vue d’installer une station radioélectrique de téléphonie mobile sur le toit terrasse d’un immeuble (CE, 13 novembre 2002, n° 244773).
3°) LA CONDITION TENANT À L'EXISTENCE D'UN DOUTE SÉRIEUX QUANT À LA LÉGALITÉ DE LA DÉCISION CONTESTÉE
Le principe est que le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut, sans excéder sa compétence, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant la décision administrative contestée.
Cela étant précisé, l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée va donner lieu à une appréciation là encore au cas par cas, mais dans un registre qui se rapproche de celui du juge du fond à savoir d'apprécier la pertinence des motifs d'annulation invoqués pour contester la légalité de la mesure en cause.
Il lui appartient donc d’apprécier, en l’état de l’instruction, si un moyen est propre à créer, à ce stade, un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, eu égard à l'office qui lui est attribué par les articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative.
N’étant pas juge du fond, il ne peut et ne doit pas prendre des mesures autres que provisoires. Cela signifie, concrètement, qu’il doit prendre en considération la situation juridique telle qu’elle existe quand il se prononce et, donc, qu’il n’a pas en principe à trancher des questions de droit qui n’ont pas encore été résolues.
On dit généralement que le juge des référés est le juge de l’évidence : il doit, en principe, s’en tenir à l’apparence et aux conclusions évidentes, sans procéder lui-même dans la résolution de situations juridiques non encore tranchées.
On peut noter à ce titre que le Conseil d'Etat a déjà considéré, en prenant en compte l'office du juge des référés, que deux ordonnances donnant des interprétations divergentes d’un même texte n’ayant pas déjà donné lieu à une décision permettant de trancher entre des interprétations différentes, pouvaient être « validées », pour conclure dans un cas, à l'existence et, dans l'autre, à l'absence de doute sérieux (CE, 5 avril 2004, no 261009).
Tous les moyens de légalité peuvent ici être retenus pour caractériser le doute sérieux, étant souligné, encore une fois, que compte tenu de l'office du juge des référés, il ne doit en principe retenir l'existance de ce doute que si le moyen est effectivement et clairement de nature à justifier, dans le cadre de l 'examen de la requête principale, l'annulation ou la réformation de la décision litigieuse.
Le Conseil d'Etat a considéré, initialement, qu'eu égard à l'office du juge des référés, le moyen tiré de ce que des dispositions législatives seraient incompatibles avec les stipulations d'un engagement international n'étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision (CE, 30 décembre 2002, no 240430). De même pour l'inconventionnalité au regard des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme (CE, 14 février 2014, no 375081).
Cette "jurisprudence" initiale a toutefois été abandonnée et le Conseil d'Etat a admis que, eu égard à son office, qui consiste à assurer la sauvegarde des libertés fondamentales, il appartient au juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de prendre, en cas d'urgence, toutes les mesures qui sont de nature à remédier aux effets résultant d'une atteinte grave et manifestement illégale portée, par une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de l'application de dispositions législatives qui sont manifestement incompatibles avec les engagements européens ou internationaux de la France, ou dont la mise en œuvre entraînerait des conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagements (CE, 31 mai 2016, no 396848), admis par la doctrine comme s'appliquant pleinement aux décisions rendues en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
L'appréciation à laquelle se livre le juge des référés ne signifie pas qu'il puisse se livrer à une appréciation purement discrétionnaire, et il lui appartient au contraire de se prononcer conformément à l'état de la jurisprudence et certainement pas « contrairement à ce prévoient de façon claire » les textes applicables (CE, 18 juillet 2006, no 291569, publié au recueil des tables p. 1012).
Peuvent fonder l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision, aussi bien les moyens de légialité externe (forme, procédure), que les moyens de légalité interne (bien-fondé de la mesure elle-même).
Ainsi, l'incompétence du signataire de l'acte est parfaitement de nature à caractériser cette condition de mise en oeuvre du référé suspension (CE, 16 mai 2001, no 230631) ; de même que l'irrégularité de la procédure, en l'occurence en cas de décision de retrait de permis de construire qui n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 (CE, 23 avril 2003, no 249712).
Bien évidemment, les moyens de légalité interne sont tout autant de nature à caractériser l'existence du doute, y compris l'erreur manifeste d'appréciation. Ce type de contrôle, de la part du juge, consiste pour lui à rechercher si l'administration a bien pris en considération les élements soumis à son appréciation, aurait pu laisser penser qu'il ne pouvait pas fonder le doute sérieux dans le cadre du référé suspension dès lors qu'il implique une appréciation plus "fine" de la situation. Le Conseil a toutefois d'emblée considéré que le juge des référés pouvait se fonder sur ce moyen (CE, 17 mai 2002, no 246994).
4°) POUVOIRS DU JUGE DES RÉFÉRÉS ET CONSÉQUENCES DE SA DECISION
Le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut, sans excéder sa compétence, ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l'exécution par l'autorité administrative d'un jugement annulant la décision administrative contestée (CE, 23 octobre 2015, n° 386649).
Si le référé-suspension est dirigé contre une décision "positive" (c'est à dire qui prononce telle ou telle mesure), le juge peut ordonner la suspension totale ou partielle de la décision, mais il ne peut statuer au-delà des conclusions dont il était saisi (prohibition de l'ultra petita).
Si le référé suspension est dirigé contre une décision négative (refus opposé à une demande), la suspension oblige l'administration à mettre en suspens provisoirement les effets de sa décision.
Le juge doit en principe préciser les conséquences de la suspension, du moins s'il a été invité à le faire par la partie reuérante. Il devra alors préciser ce que l'ordonnance de suspension implique pour la partie concernée.
Si la suspension concernant une décision de rejet, et si le requérant a présenté des conclusions expresses à fin d'injonction , le juge des référés du tribunal administratif peut assortir la décision de suspension d'une injonction (cf. articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative).
La durée de la suspension peut être modulée mais elle devra nécessairement trouvé ton terme avec l'intervention du jugement rendu sur le fond par le tribunal statuant sur la requête principale. La suspension prend donc fin, au plus tard, lorsque le tribunal statue sur la requête en annulation ou en réformation de la décision.
5°) ILLUSTRATIONS D'ACTUALITÉ - MISE EN OEUVRE DU RÉFÉRÉ SUSPENSION
Cas d'un gardien de la paix révoqué de la police pour une supposée radicalisation. Suite à un recours en référé suspension fondé sur l'article L. 521-1 du code de justice administrative, il est réintégré dans l'attente que le tribunal statue sur la légalité de la mesure.
En définitive, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté de révocation qu'avait pris le ministre de l'Intérieur le 6 septembre 2018, principalement parce que la procédure qui a conduit à sa révocation n'a pas respecté les formes.
Article du journal Le Parisien disponible en cliquant ici
Pour toute information relative à une procédure de référé suspension, n'hésitez pas à contacter Me Pascal Andrieux